Cyrille Sautereau, président de la Commission de normalisation de la facture électronique


 

AIFE : vous êtes bien connu en tant que président du Forum National de la Facture Électronique (FNFE) pour lequel nous vous avions déjà interviewé il y a deux ans, en mars 2023 pour notre newsletter Interview Cyrille Sautereau  mais nous recueillons ici votre témoignage en tant que président de la toute nouvelle Commission de normalisation de la facture électronique de l’AFNOR. Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler en deux mots ce qu’est l’AFNOR, son rôle et ses missions ?

 

Cyrille Sautereau : L’AFNOR est l’Agence Française de Normalisation, association non gouvernementale reconnue d’utilité publique. Elle a pour mission de représenter la France dans les travaux internationaux et européens en matière de normalisation.

 

AIFE : au sein de l’AFNOR vient donc d’être créé une toute nouvelle commission facturation électronique. Pourquoi le faire seulement aujourd’hui ?

Cyrille Sautereau : En fait, une commission facturation électronique a déjà existé au sein de l’AFNOR, entre 2015 et 2018, et j’en étais d’ailleurs déjà l’un des membres. Cette commission a contribué aux travaux menés au niveau européen ayant donné naissance à la norme EN16931, norme précisant le modèle sémantique de données des éléments essentiels d'une facture électronique. Une fois les travaux terminés, cette commission a été mise en sommeil (en 2018). Cette commission n’est donc pas à proprement parler une nouvelle commission, mais simplement une réactivation d’une commission ancienne, dans le but à la fois de participer aux nouveaux travaux internationaux de mise à jour de la Norme EN16931 et d’adresser le sujet de généralisation de la facturation électronique interentreprises spécifique à la France.

 

AIFE : Vous parlez de la norme EN16931. Qui des normes et formats CII, UBL ou Factur-X ?

Cyrille Sautereau : La norme EN16931 est la norme européenne sémantique de facture électronique. Elle intègre la description de son implémentation dans les syntaxes CII ou UBL. Quant à Factur-X c’est un standard franco-allemand de facture hybride qui implémente la Norme EN16931 sous la forme d’une partie lisible sous standard ISO PDF/A-3, d’une composante de données structurées implémentée sous syntaxe CII de la Norme EN16931.

 

 

AIFE : quels sont les principaux objectifs de cette commission et comment va-t-elle s’articuler avec la DGFiP et l’AIFE dans le cadre des travaux liés à la mise en œuvre de l’obligation de facturation électronique interentreprises ?

Cyrille Sautereau :  La commission aura deux grands objectifs :

Sa première mission sera celle, classique, de toute commission AFNOR : participer aux travaux internationaux de normalisation liés à l’évolution et aux extensions de la norme EN16931.

Le second objectif est purement français. Il est lié à l’évolution du projet de mise en œuvre de la facturation électronique interentreprises avec le recentrage du Portail public de Facturation (PPF) sur les deux fonctions de concentrateur de données et d’annuaire. La commission AFNOR aura dans ce cadre comme mission la définition, la description des formats du socle minimum qui vont reposer sur la norme EN16931. En d’autres termes, il s’agira de spécifier et de normaliser les formats et profils de factures électroniques ainsi que l’utilisation des statuts de cycle de vie. La commission aura ainsi pour objectif d‘instruire tous les cas d’usage, les cas particuliers de facturation sectoriels, de façon à accompagner les entreprises dans leurs implémentations. Pour cela, partant des documents de description des formats de facture et de cycle de vie et des cas d’usage déjà inventoriés, nous reprenons la documentation de description des formats et profils du socle minimum en intégrant les règles de gestion additionnelles nécessaires pour respecter les exigences de la réforme. Nous travaillons en parallèle à l’instruction des cas d’usage, y compris ceux liés aux exigences de e-reporting, et à leur documentation, pour expliquer comment ils peuvent être traités avec les formats du socle minimum, mais aussi grâce aux statuts de cycle de vie et à une description de la cinématique des échanges en cas de nécessité d’action de tiers (expert-comptable, affactureur, tiers payeur, …). Pour ce faire, nous consultons et accueillons les besoins spécifiques des entreprises, souvent portés par des associations professionnelles et nous instruisons sous un principe simple « aux mêmes problèmes, les mêmes solutions ». Ces travaux peuvent conduire à ajouter des données dans le modèle (un profil « Étendu » est déjà en place pour cela). Nous irons jusqu’à fournir des composants techniques de description et contrôle des factures (xsd et schematrons). Enfin, nous menons des travaux spécifiques de spécifications d’interfaces standards entre les PDP et les solutions de gestion des entreprises (des API standards) pour permettre une réelle interopérabilité de bout en bout permettant aussi de garantir la portabilité, c’est-à-dire la capacité à bien choisir et le cas échéant changer de solutions en minimisant les impacts d’intégration entre solutions sur étagères et PDP.

 

AIFE : qui compose cette commission ?

Cyrille Sautereau : Il faut tout d’abord rappeler que cette commission est financée par la DGFiP. Elle est composée de membres permanents qui sont des experts reconnus, consultants, fiscalistes, des entreprises et des offreurs de services (PDP / OD), y compris des éditeurs de solutions de gestion, mais aussi d’intervenants ponctuels en fonction des thèmes particuliers qui sont traités. Au total, cela fait plus d’une centaine de membres, ce qui est très supérieur au nombre habituel de membres d’une commission de l’AFNOR. Depuis à peine 3 mois, nous avons ainsi tenu plus d’une trentaine de réunions de travail réunissant en moyenne plus de 70 participants.

 

AIFE : quel livrable prévoyez-vous et à quel horizon ?

Cyrille Sautereau :  En termes de livrable, la commission AFNOR rédigera un document référent des cas d’usage B2B mais aussi B2C pour le e-reporting (notamment autour des logiciels de caisse) afin d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de la réforme. Il s’agira de bien y préciser le fonctionnement entre PDP et OD / SI d’entreprises, en cohérence avec les travaux internationaux de maintenance de la Norme EN16931, l’AIFE restant en charge quant à elle des spécifications des échanges entre les PDP et le PPF, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

Nous avons pour objectif de publier la redéfinition du socle minimum très vite, puis les composants techniques de contrôle de conformité à la documentation en version béta à l’été 2025, non bloquantes dans un premier temps puisque les exigences de la réforme n’entreront en vigueur qu’en septembre 2026, avant d’enchaîner ensuite sur des versions définitives permettant ainsi aux entreprises de préparer leurs chaînes de traitement pour être opérationnelles au 1er septembre 2026.

Pour les cas d’usage, un premier document devrait aussi être publié dès la fin avril, puis des versions successives viendront le mettre à jour au fur et à mesure des besoins exprimés par les entreprises.